« Opposés au RSA sous condition, nous défendons le droit à un meilleur accompagnement »

Bruno Bernard, président de Métropole de Lyon, Jean-Luc Chenut, président du Département d’Ille-et-Vilaine, et Michel Ménard, président du Département de Loire-Atlantique, engagés dans l’expérimentation sur l’accompagnement rénové des allocataires du RSA, maintiennent leur démarche avec responsabilité mais aussi lucidité. Un engagement politique assumé, afin de défendre leur vision de l’insertion, tout en étant déterminés à peser sur la future réforme :
« À l’heure où le Gouvernement vient de présenter un rapport de préfiguration de France Travail, nous sommes convaincus que l’accès de toutes et tous à un emploi digne doit être une priorité nationale. Il est inacceptable de pointer du doigt de soi-disant « assistés » alors que les pouvoirs publics ne leur offrent pas tous les leviers et aides pour sortir de la précarité. Collectivement, nous devons travailler vers l’objectif de ne laisser personne sans solution.
Rendre effectif le droit à l’accompagnement pour les allocataires du RSA
Nos trois collectivités œuvrent de longue date pour la mise en œuvre d’un accompagnement pour les allocataires du RSA. Malgré cet engagement, ce droit n’est pas assuré pleinement car contraint financièrement du fait du poids croissant du paiement de l’allocation, qui n’est prise que partiellement en charge par l’État. Cette situation explique pour une large part, l’installation durable dans la précarité de nombreux allocataires du RSA.
Parmi les réponses nécessaires, nous partageons plusieurs des propositions formulées dans le cadre de France Travail et testées dans les expérimentations :
- La nécessité de favoriser une entrée rapide et dynamique dans un parcours d’accompagnement pour éviter que les personnes ne perdent espoir et capacité à se mobiliser dans leurs démarches.
- L’importance d’un accompagnement progressif et renforcé, en termes d’appui et de mobilisation et qui soit suffisamment adapté aux capacités, aux attentes et aux difficultés de chaque individu.
- L’exigence de mieux coordonner les efforts des divers acteurs concernés, pour permettre une approche globale et un suivi qui ne soient pas liés uniquement au statut, à un instant T, des personnes, ou à leur interlocuteur référent.
- L’importance de rapprocher les professionnels de l’insertion et l’emploi avec le monde de l’entreprise afin de favoriser l’accès à l’emploi durable par une meilleure compréhension des besoins d’emplois, mais aussi faire évoluer les entreprises vers des recrutements plus inclusifs, garants de la diversité et de l’égalité femme-homme.
Des principes fondamentaux non négociables
Les évolutions prévues dans le cadre de l’expérimentation sont essentielles pour rendre le droit à l’accompagnement effectif mais elles ne peuvent être mises en balance avec les principes fondamentaux qui sous-tendent le RSA. Nos trois collectivités réaffirment trois conditions essentielles et non négociables pour l’issue de France Travail :
- Il ne saurait être question de créer un « RSA sous condition », renforçant les devoirs des allocataires du RSA et les sanctions à leur encontre. Les personnes allocataires du RSA ont besoin d’être mieux accompagnées pour lever leurs difficultés et non d’être davantage sanctionnées alors qu’elles vivent déjà sous le seuil de pauvreté. Le RSA est un revenu de solidarité. Dans le cadre de l’expérimentation, nous refusons tout chantage à l’allocation à travers un pointage des heures d’activité. L’accompagnement est avant tout un droit pour les allocataires et un devoir pour la collectivité.
- Les heures d’accompagnement ne peuvent constituer un travail ou une activité obligatoire. Ces heures doivent permettre aux personnes de se mobiliser, de révéler leurs potentialités et de lever les nombreux freins qui les empêchent d’accéder à l’emploi : garde d’enfants, problèmes de logement ou de mobilité, maitrise de la langue française, problèmes de santé, formation… Les 15 à 20 heures hebdomadaires prévues dans l’expérimentation doivent être conçues comme une cible et adaptées en fonction de chaque situation. L’accompagnement doit se construire dans une relation de confiance et de respect mutuel, non de contrainte. C’est une condition essentielle de mobilisation de la personne et donc de réussite de son parcours.
- La responsabilité des parcours des allocataires doit demeurer une compétence des Départements et de la Métropole de Lyon. Il ne saurait être question d’une recentralisation des compétences alors que la situation appelle une meilleure coordination entre les acteurs de l’insertion et de l’emploi. Les sanctions et leurs modalités de mise en œuvre doivent à ce titre rester sous la responsabilité de nos collectivités. Il serait particulièrement incompréhensible que les règles changent sans attendre les résultats des expérimentations.
Si ces principes fondamentaux étaient directement remis en cause dans un projet de loi à venir ou empêchés gravement par des mesures techniques contradictoires, nos collectivités se retireraient sans délai de l’expérimentation.
Nous nous engageons donc avec responsabilité mais également lucidité dans cette expérimentation considérant que les moyens supplémentaires prévus permettront à des personnes privées d’emploi sur nos territoires de retrouver le chemin de l’insertion. Nous voulons également peser sur la future réforme nationale et faire la démonstration que la voie de la solidarité est plus efficace que celle de la stigmatisation, que le renforcement de l’accompagnement est plus pertinent que le renforcement des sanctions. »